La gelée de pommes en automne
Voici quelque temps que je n’ai pas donné de nouvelles, saison des pommes oblige ! Locher les pommiers, ramasser les pommes… A Patrice le pressoir et les tonneaux ; à moi, les marmites pour les compotes, le caramel de pommes et la gelée.
La gelée de pommes ! On l’aime pour sa tenue paradoxale, entre tremblotement et fermeté. Et si simple à faire… et si savoureuse sur une tartine beurrée… et si belle, toute dorée !
Mais si, chaque automne, on fait chauffer ses marmites et embaume la maison pour fabriquer une petite réserve de gelée, ce n’est pas seulement pour tous ces plaisirs, non. C’est pour un délice bien plus secret : c’est pour fabriquer la Francinette.
La « Francinette »
Chaque ferme cauchoise avait son cellier, la « chambre » où l’on conservait des provisions et, surtout, le cidre et le calva. Ces deux boissons sont bien connues de tous et nombreux sont les touristes qui arrivent en Normandie, surtout dans les fermes, émoustillés à l’idée de goûter du cidre de ferme et du « vrai calva » (ne dit-on pas, en effet, que quand le calva, tout va ?). Mais, au Clos Delamare, on découvre un autre breuvage, un secret bien gardé, que les fermiers d’antan conservent jalousement et dont on trouve peu de traces sur Internet.
Ce breuvage n’a pas de nom. L’un l’appelle la Calvinette. L’autre l’évoque sous le nom menteur et très laid de « Prends-ta-claque ». Ici, au Clos Delamare, mamie Francine l’appelait la « Coucougnette » (par quel miracle ce nom à l’accent occitan et aux connotations coquines est-il venu jusque dans le cellier d’Albert ?). Pour lui rendre hommage, et parce que c’est elle qui nous a transmis sa recette, nous avons rebaptisée cette boisson la « Francinette ».
Un autre trou normand
Mais quel est donc cet élixir que vous ne trouverez ni dans les pièges à touristes ni dans les ouvrages savants sur la Normandie ? C’est un mélange subtil de gelée de pommes et de calva que l’on conserve dans un congélateur - l’alcool ne gèle pas. Il est très apprécié car la gelée adoucit le goût puissant du calva et exalte son fruité. L’on aime sa viscosité fraîche à la fin d’un repas de fête ou pour le trou normand.
Et l’on aime faire découvrir ce petit verre de terroir à nos hôtes du Clos Delamare. On aime leur surprise, leur petit œil chantant et leur sourire pétillant : « hum, c’est… c’est fort tout de même ! – Oh, quel merveilleux goût de pomme ! – Euh, oui, j’en re-veux bien un petit peu, je ne conduis pas ce soir, hein ? »
Mais chut ! gardons le secret de nos celliers…